samedi 26 juillet 2008

Alcool : décrue des consommations et des mortalités, par François BESANÇON, 2004



RÉSUMÉ
Les buts de cette étude sont de rapprocher les données publiées sur les décrues des consommations d’alcool et des mortalités imputables aux abus d’alcool en France ; et de discuter des critères supplémentaires des bénéfices sanitaires et sociaux correspondants.


Méthodes. Les consommations (ventes en litres d’éthanol par habitant et par an) ont été suivies depuis 1954 et confrontées, de 1979 à 1999, avec trois mortalités : par les cirrhoses alcooliques ; par la réunion des cirrhoses alcooliques, des cirrhoses non spécifiées et des hépatomes ; et par les cancers de l’œsophage.


Résultats. Entre 1954 et 1999, la consommation d’alcool pur par habitant a décru de presque moitié (de 46,5%). C’est la décrue du vin qui a prédominé. La mortalité par cirrhose alcoolique n’a commencé à décroître qu’à partir de 1975. Entre 1979 et 1999, les consommations d’alcool ont décru de 29% tandis que les décrues des mortalités ont été les suivantes : cirrhoses alcooliques 45% ; toutes cirrhoses agrégées aux hépatomes 34% ; cancers de l’œsophage 19%.  


Conclusions. Une décrue importante des consommations d’alcool a été suivie avec retard d’une décrue importante des mortalités attribuables à l’abus d’alcool, en l’absence de prohibition et de troubles sociaux graves. Des critères supplémentaires sont à éprouver pour que l’opinion publique se persuade des bénéfices sanitaires et sociaux d’une décrue persistante de la consommation d’alcool au cours des 50 prochaines années.


OBJECTIFS
Dans ses ouvrages de 1956 et 1964 (1, 2), Sully Ledermann n’a pas seulement proposé la “loi du carré” pour modéliser le lien entre les consommations moyennes et les consommations nocives d’alcool. Il a aussi proposé de fonder la prévention des dommages sur une diminution de la production d’alcool (2). Rappelons que le point de départ de son enquête fut la surmortalité française des adultes dans les années 1930-1939 et la décrue des mortalités attribuables à l’alcool durant l’invasion entre 1940 et 1944.
Les objectifs de cette étude sont de rapprocher, 50 ans plus tard, les données publiées sur l’évolution des consommations et des mortalités ; et de discuter les critères permettant d’évaluer les bénéfices d’une  décrue persistante de la consommation d’alcool au cours des 50 prochaines années.


MÉTHODES
Les consommations (ventes annuelles d’éthanol par habitant) depuis 1961 ont été communiquées par le centre de documentation de l’IREB, Institut de Recherches Scientifiques sur les Boissons, citant World Drink Trends (3). Des données similaires sont disponibles sur Internet (4). La consommation en 1954, indiquée dans le livre de Ledermann (1), a été traduite en litres d’éthanol par habitant.


Les deux indicateurs des dommages imputés à l’abus d’alcool étaient, pour Ledermann, la mortalité générale et la mortalité par cirrhose alcoolique. Il a lui-même remarqué que l’évolution de la mortalité générale après la seconde guerre mondiale relevait de bien d’autres facteurs que les variations des consommations d’alcool. La “mortalité par cirrhose alcoolique” est restée son indicateur disponible, retenu dans le Tableau 1.


Ultérieurement, l’évolution cancéreuse des cirrhoses alcooliques est devenue fréquente, de sorte que le recensement séparé des morts par hépatomes a fait sous-estimer la mortalité par cirrhoses alcooliques. Pour éviter ce biais, nous avons agrégé l’ensemble des mortalités par cirrhose alcoolique avec celles des cirrhoses non spécifiées et des hépatomes. D’autre part, la mortalité par cancers de l’œsophage a été prise en compte. La mortalité par “psychoses alcooliques” ne l’a pas été parce qu’elle est influencée par divers facteurs intercurrents.


L’évolution de ces mortalités n’a été recensée que de 1979 à 1999 par le service “Cépi Dc” de l’INSERM (5). En 1954, Ledermann a indiqué la mortalité par cirrhose alcoolique (2).  La mortalité par cirrhose  en 1970 et 1975 a été indiquée par Péquignot (6, 7, 8) et rapportées aux décès annuels grâce aux données de l’INED (9). Les mortalités ont été exprimées en pourcentage des décès annuels en France métropolitaine. Ces résultats ont été présentés partiellement en 2004 (10)


RÉSULTATS
Le Tableau 1 montre qu’en France la consommation annuelle d’alcool pur par habitant a décru de presque moitié (de 46,5%) entre 1954 et 1999 (3). En vingt années, de 1979 à 1999, les consommations par habitant ont décru de 29% et les carrés des consommations de 50%.


C’est la consommation du vin (l’alcool le moins taxé en France) qui s’est effondrée de 38% entre 1979 et 1999,  tandis que celle de la bière n’a décru que de 15% et celle les alcools distillés de 5% (5).


La mortalité par cirrhose n’a décru qu’à partir de 1975, avec un retard d’une vingtaine d’années sur la décrue des consommations d’alcool. Entre 1979 et 1999, les décès par cirrhose alcoolique ont décru de 15 707 à 8 494. En pourcent des décès annuels, les décrues des mortalités ont été les suivantes : cirrhoses alcooliques 45% ; toutes cirrhoses agrégées aux hépatomes 34% ; cancers de l’œsophage 19%.


Deux faits, qui seront discutés en vue de la prévention, sont de notoriété courante. Le premier est que la consommation d’alcool a pu décroître de près de 50% en France en près de 50 ans sans troubles sociaux graves, mais non sans laborieuses réorientations de nombreux professionnels. Le second est que cette décrue a été acquise en l’absence de prohibition.


DISCUSSION

Tour à tour seront discutés les relations entre les décrues des consommations et des mortalités ; les objectifs de la prévention ; enfin, les critères des bénéfices sanitaires et sociaux.


1, Relations entre les décrues des consommations et des mortalités
Sully Ledermann a été le premier à établir une corrélation entre les consommations moyennes et les consommations nocives d’alcool (1). Il a été un pionnier de la modélisation mathématique en soutenant que “la proportion des buveurs excessifs paraît croître selon le carré de la consommation moyenne, par tête, de la population à laquelle ils appartiennent.”


Cette “loi du carré” s’est fondée sur les mortalités “par alcoolisme chronique ou aigu” dans dix pays ; sur la proportion des buveurs dépassant 20 ou 30 cl d’alcool pur par jour, en fonction du carré de la consommation moyenne de la population ; enfin sur la répartition des achats individuels d’alcool en Finlande et en Suède.


Plusieurs confirmations de la “loi du carré” ont été publiées (6, 7, 8). Quand la consommation moyenne de la Finlande a augmenté de 27%, le coût des dommages liés à l’abus d’alcool a triplé et les coûts indirects sociaux ont plus que triplé (11). Toutefois, la loi du carré s’est surtout vérifiée quand les consommations moyennes étaient très élevées. Des exceptions ont été concédées par Munoz-Perez et Nizard (12). Divers détails ont été critiqués par Jacques Weill (13) mais sans réussir à jeter un doute sur la corrélation entre les consommations moyennes et nocives.


M. Craplet a remarqué que la majorité des dommages attribuables aux abus d’alcool a frappé les buveurs qui ne sont pas quotidiennement excessifs, cela du fait de leur nombre (14). Ce fait conforte l’intérêt attaché par Ledermann aux consommations moyennes.
La décrue des consommations en France semble avoir été supérieure à celle de tout autre pays, tout en étant approchée par celle de l’Italie (3).


Diverses hypothèses sur les facteurs de la décrue des consommations peuvent être proposées. C’est entre 1965 et 1995 que cette décrue a été la plus rapide (6, 7, 8), et elle a été concomitante de la lente application des lois de sécurité routière, lois qui avaient le mérite de ne pas se limiter aux consommations extrêmes. Un second facteur de la décrue a pu être le coût des consommations concurrentes non alimentaires. Quant aux nombreuses actions de prévention, elles ont bien visé les candidats au permis de conduire, mais guère les autres cibles réceptives, qui nous paraissent être les enfants de 11 ans et les femmes qui envisagent une grossesse.


Bien qu’on ne dispose pas d’une comparaison prospective avec tirage au sort et insu, il est raisonnable d’admettre que la considérable décrue des mortalités en France a eu pour cause principale la décrue de la consommation moyenne d’alcool. La décrue de la mortalité par cirrhoses a débuté à partir de 1975 tandis que la décrue des consommations a débuté vers 1957 (6, 7, 8). Ce retard peut s’expliquer parce que les cirrhoses ont requis en moyenne davantage de temps pour se constituer, puis pour aboutir au décès. Ce retard justifie d’avoir étendu à une cinquantaine d’années la période d’observation.


C’est la consommation française du vin qui s’est effondrée de 38% entre 1979 et 1999, tandis que celle de la bière n’a décru que de 15% et celle des alcools distillés de 5% (15). Les bénéfices sanitaires figurant au Tableau 1 sont donc principalement corrélés à la décrue du vin consommé. “Le vin, boisson hygiénique” : cette allégation, couvrant tous les niveaux de consommation depuis plus d’un siècle, apparaît dès lors irresponsable. Par conséquent, les prétextes des faveurs politiques actuellement concédées au vin n’ont plus sujet d’être sanitaires.


Ne considérer que les dommages imputés à l’abus d’alcool serait illusoire si des drogues illicites s’y substituaient massivement. Actuellement en France, cette substitution massive est peu probable, sinon les accidents routiers n’auraient pas diminué autant qu’ils l’ont fait récemment.

2, Objectifs de la prévention

L’objectif de réduire à nouveau de 50% la consommation d’alcool en France au cours des 50 prochaines années ne nécessite pas de prohibition, n’expose pas davantage à des troubles sociaux et laisse aux professionnels le temps de se réorganiser d’après des prévisions plausibles. L’effroi des élus supputant les réactions de leurs électeurs et de leurs agences de publicité impliqués dans des conflits d’intérêts pourrait-il décroître de moitié, lui aussi ?


Cet objectif répond au vœu par lequel le démographe Sully Ledermann a conclu ses découvertes, il y a 50 ans : “Il est vain d’espérer une réduction de l’alcoolisme en France sans diminuer, de façon appréciable, la consommation moyenne par tête, c’est-à-dire la consommation globale et, finalement, la production française de vin et d’alcool.” (2) Il avait étayé par des statistiques ce dont la plupart des médecins s’entretenaient comme d’une évidence. La réussite de son vœu couronne son travail.

3, Critères des bénéfices sanitaires et sociaux

Ne serait-ce que pour répondre aux protestations des organismes intéressés aux ventes d’alcool, la valeurs probante de chaque indicateur des dommages imputés aux abus d’alcool mérite discussion. L’indicateur a-t--il été recensé de façon stable et fiable, est-il spécifiquement dû à l’abus d’alcool, est-il représentatif de l’ensemble des dommages dus à l’alcool ? Ses variations se manifestent-elles sans délai excessif après les abus d’alcool ou après leur décrue ? Aucun indicateur considéré isolément ne remplit toutes ces conditions. Il convient donc de mettre à l’épreuve des indicateurs supplémentaires comme critères des bénéfices sanitaires et sociaux corrélés aux futures décrues des consommations.


Les mortalités ont été les premiers indicateurs utilisés. La mortalité par cancers de l’œsophage a décru moins vite que celle par cirrhoses (Tableau 1). On manque d’informations sur les durées requises tant pour la cancérisation de l’œsophage que pour la régression du risque après les décrues des abus d’alcool et éventuellement de tabac. En agrégeant les mortalités par cirrhoses alcooliques, cirrhoses non spécifiées et hépatomes, nous avons admis des pathologies non spécifiquement attribuables à l’abus d’alcool afin de pallier à la sous-estimation des mortalités par cirrhoses alcooliques : nous avons préféré sous-estimer que surestimer les bénéfices sanitaires.


Les progrès thérapeutiques influencent les mortalités. Aussi avons-nous sélectionné les cancers de l’œsophage, à cause de leur faible sensibilité aux thérapeutiques, parmi les cancers des voies aéro-digestives supérieures. L’allongement de la survie des cirrhotiques aurait introduit un biais si les périodes d’observation avaient été brèves.


La publication de Rivara (16) a séparé les mortalités attribuables aux abus soit chroniques, soit épisodiques d’alcool. Dans chaque groupe, les buveurs ont été répartis en deux catégories selon le degré de leurs abus d’alcool. Des coefficients ont pondéré le rôle des abus d’alcool dans chaque mortalité. Certains de ces coefficients nous paraissent sous-estimer le rôle de l’abus d’alcool, par exemple dans les cancers de l’œsophage et du larynx. Les mortalités dans lesquelles le rôle de l’abus d’alcool n’a pas été prépondérant nous paraissent être des indicateurs critiquables, surtout quand il s’agit d’évaluer leurs évolutions : d’autres facteurs que les consommations d’alcool peuvent alors influencer plus puissamment ces évolutions. C’est le cas à propos de l’infarctus du myocarde, alors qu’il est la première cause de décès des hommes alcoolo-dépendants (17).

Finalement, seules les mortalités par cirrhoses et par cancers de l’oesophage nous paraissent être des indicateurs probants des abus chroniques d’alcool.


Parmi les mortalités attribuables de façon prépondérante aux abus épisodiques d’alcool, les accidents de véhicules à moteur viennent au premier rang, suivis par les homicides, suicides, noyades, ébriétés, incendies et brûlures (16)
D’autres indicateurs que les mortalités méritent d’être mis à l’épreuve comme critères des bénéfices sanitaires et sociaux corrélés aux décrues attendues des consommations. Certains d’entre eux sont  régulièrement recensés : les admissions hospitalières pour ébriétés non mortelles (18) ; les plaintes pour violences familiales ; les placements d’enfants ; les incendies volontaires ou non ; les accidents du travail, déjà suggérés par Ledermann (2) ; les surendettements. Il reste à déterminer pour lesquels le rôle de l’abus d’alcool est prépondérant. D’autres indicateurs nécessiteraient un effort supplémentaire de recensement, prospectivement et peut-être rétrospectivement. Les activités ou les surcroîts d’activité des services d’urgence des hôpitaux, du vendredi soir au dimanche soir (19), auraient le mérite de représenter les alcoolisations tant aiguës que chroniques et d’intéresser à la prévention les gestionnaires des urgences hospitalières. On recenserait encore de façon stable les admissions hospitalières pour pancréatite chronique ; les embryo-fœtopathies si l’on parvient à discerner celle attribuables à l’alcool ; les masses d’éthanol trouvées annuellement dans le sang des morts et blessés par accidents, ajoutées à celles des responsables présumés.

Considéré isolément, chaque indicateur est critiquable quand il n’est pas spécifiquement attribuable à l’abus d’alcool. Rappelons que d’autres facteurs peuvent influencer ses variations. Toutefois, considérés ensemble, les indicateurs pour lesquels le rôle de l’alcool est prépondérant deviendraient convaincants si leur évolution concordait. Si les consommations d’alcool en France décroissaient à nouveau de 50% en 50 ans et si une proportion prépondérante des mortalités et des autres indicateurs proposés ci-dessus décroissait de façon concordante, l’opinion publique se persuaderait des bénéfices sanitaires et sociaux correspondants.


En conclusion, en près de 50 ans, la décrue des consommations d’alcool en France a approché 50% et la décrue de plusieurs mortalités attribuables à l’abus d’alcool a été retardée, mais importante, sans prohibition et sans troubles sociaux graves. Des critères sanitaires et sociaux supplémentaires sont à éprouver pour que l’opinion publique se persuade des bénéfices d’une décrue persistante de la consommation d’alcool au cours des 50 prochaines années.


RÉFÉRENCES

1. Ledermann S. Alcool, alcoolisme, alcoolisation. Données scientifiques de caractère physiologique, économique et   social. Paris, PUF 1956
2. Ledermann S. Alcool, alcoolisme, alcoolisation. Mortalité, morbidité, accidents du travail. Paris, PUF 1964
3. Commission for distilled spirits. World drink trends 2004. Warc, Henley on Thames (UK) 2004
4. ECAS. http://www.fhi.se/templates/Page2cols____616.aspx
5. INSERM. http://sc8.vesinet.inserm.fr:1080/
6. Péquignot G. La relation production, offre, consommation, pathologie.  Cahiers Comité Nat Défense Alc 1986: 221-241
7. Péquignot G, Tuyns AJ, Berta JL. Ascitic cirrhosis in relation to alcohol consumption. Internat J Epidem 1978; 7: 113-120
8. Péquignot G. Alcool et risques pathologiques chroniques. Cahiers Psychiatr Genevois 1989; 7: 193-221
9. INED. http://www-deces.ined.fr/1999/
10. Besançon F. Alcool : décrue des consommations et des dommages en France. Objectif  de la prévention selon Ledermann. Communication par affiche à la Société Française d’Alcoologie, 14.10.2004
11. Salomaa J. The costs of the detrimental effects of alcohol abuse have grown faster than alcohol consumption in Finland. Addiction 1995; 90 (4): 525-537
12. Munoz-Perez F, Nizard A. Alcool : consommation moyenne et consommation excessive. Actualité de Sully Ledermann. Population 1995; 6: 1693-1702
13. Weill J: Pour une lecture critique de la “Loi de Ledermann”. Paris, IREB 1993
14. Craplet M. La prévention du risque alcool. Fondements scientifiques et actualité.  Alcoologie 1998; 20 (3): 245-252
15. INSERM. Alcool, dommages sociaux, abus et dépendance. Paris, INSERM 2003
16. Rivara FP, Garrison MH, Ebel B, McCarty C, Christakis D. Mortality attributable to harmful drinking in the United States, 2000. J Stud Alcohol 2004; 65: 530-536
17.  Öjesjö L, Hagnell O, Otterbeck L. Mortality in   alcoholism among men in the Lundby community cohort: a forty-year  follow-up. J Stud Alcohol   1998; 59 (2): 140-144
18. Schwan R. Intoxication éthylique aiguë aux urgences : une ivresse accidentelle ou des  patients en difficulté avec l’alcool ?. Alcoologie 1999; 21 (2): 368
19. Bérenger P. Intervention d’une équipe de liaison et de soins en alcoologie au décours d’une  ivresse. Alcoologie et   Addictologie 2002; 24 (4): 359-363


Tableau 1. Évolution en France, de 1954 à 1999, des consommations annuelles d'alcool, en litres d'éthanol par habitant (Consomm). Évolution, de 1979 à 1999, des mortalités par cirrhoses alcooliques (C. alc), cirrhoses de toute nature agrégées aux hépatomes (CC. Hép) et cancers de l'oesophage (K. Oes), en % des décès annuels.


Dates  Consomm  C. alc  CC. Hép   K. Oes.

1954       20,0          3,1
1961       17,7
1970       16,2          3,4
1979       15,1          2,9       4,5          1,0
1989       12,8          1,9       3,0          0,94
1999       10,7          1,6       2,9          0,81